Attendre durant l'Avent

L'annonce à Akhaz, l'annonce à Joseph, l'annonce de Jésus

Cette page reprend une prédication donnée le 19 décembre 2010 au temple de Die (Drôme) de l'Église Réformée du Diois. Les textes bibliques lus étaient ceux prévus pour ce dimanche, celui du quatrième dimanche de l'Avent. La Bible nous parle de l'attente du prophète Esaïe et du roi Akhaz, c'est aussi l'attente de Marie et de Joseph, c'est enfin l'annonce des deux "natures" de Jésus de Nazareth.

Si certains mots grecs (abg écrits en rouge) ou hébreux (dgb) écrits en bleu) ne vous semblent pas être correctement affichés, c'est probablement que les polices d'affichage dans ces langues n'existent pas encore sur votre ordinateur. Vous pouvez les charger à cette page de mon site.

Sommaire

Les textes bibliques


Esaïe 7,10-16

10 Le SEIGNEUR parla encore à Akhaz :

12 Akhaz répondit :

13 (Esaïe) dit alors :

la jeune femme, enceinte, accouchant d'un fils, l'appelle du nom Immanou-El (Dieu est avec nous).
15 De crème et de miel il se nourrira, sachant rejeter ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon.
16 Avant même que l'enfant sache rejeter ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon, la terre des deux rois qui t'épouvantent sera abandonnée.


Évangile selon Matthieu 1,18-25

18 La naissance de Jésus Christ arriva ainsi :

sa mère Marie avait alors été accordée (en mariage) à Joseph, mais avant qu'ils ne cohabitent, elle fut trouvée enceinte par un Esprit Saint.

19 Et Joseph, son homme était juste et ne voulait pas lui nuire publiquement, il désira secrètement rompre avec elle ; il y pensait, (mais) voici qu'un ange du Seigneur lui apparu en songe en disant :

22 Or tout ceci advint afin que s'accomplisse ce qui avait été annoncé par le Seigneur quand le prophète disait :

24 Puis Joseph s'étant réveillé de (son) sommeil, fit tout ce que lui avait ordonné l'ange du Seigneur, il emporta sa femme. Il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, et il l'appela du nom de Jésus.


Lettre aux Romains 1,1-7

1 Paul, serviteur de Jésus, Christ, apôtre par appel, mis à part pour la bonne nouvelle de Dieu,

2 cette (bonne nouvelle) que (Dieu) avait déjà promise par ses prophètes dans les Écritures saintes,

3 elle concerne son fils,

(je parle) de Jésus, Christ, notre Seigneur.

5 Par lui que nous avons reçu la grâce et l'apostolat parmi toutes les nations, en vue de l'obéissance de la foi, pour annoncer son nom.

6 (nations) dont vous êtes, vous les appelés de Jésus Christ.

7 À tous ceux (et toutes celles) qui sont dans Rome les aimé(e)s de Dieu, aux saints (et saintes) appelé(e)s,
à vous grâce et paix
de la part de Dieu notre père et du Seigneur Jésus Christ.


La prédication


Frères et sœurs, nous venons d'entendre trois textes qui se répondent les uns aux autres :

Je vais essayer d'aplanir les difficultés de ces textes, peut-être d'en révéler des aspérités peu connues ou cachées ; j'espère vous monter des sens possibles qui peuvent animer notre présent, notre Avent a-v-e-n-t.


La prophétie d'Esaïe

Le dialogue entre Esaïe et Akhaz commence mal. Le prophète suggère (ou ordonne ?) au roi de demander un signe et le roi refuse. Pourquoi demander et pourquoi refuser ?

Pour le prophète le signe à demander doit permettre au jeune roi de reconnaitre la suzeraineté du SEIGNEUR et de Lui faire confiance au lieu de loucher vers les rois puissants des pays environnants.

Mais, demander quelque chose à Dieu c'est déjà presque Lui ordonner de répondre à sa prière ; c'est Le mettre à l'épreuve en exigeant qu'Il se manifeste. Si aucun signe n'arrivait, ce serait montrer l'impuissance de Dieu, si un signe était obtenu, c'est que Dieu obéirait au roi. Ce dilemme est-il acceptable pour un croyant ?

Mettre Dieu à l'épreuve semble même une inversion des rôles : c'est Dieu qui met Abraham à l'épreuve en lui disant d'emmener son fils vers le lieu du sacrifice (Genèse 22,1) ; c'est Dieu qui met le peuple hébreu à l'épreuve dans le désert quand Il se manifeste dans "les coups de tonnerre et le son de la trompette" avant que Moïse ne s'approche de la nuée où se trouvait son Dieu (Exode 20,20).

D'ailleurs, vous, quand vous étiez enfant, mettiez-vous Dieu à l'épreuve ? Lui demandiez-vous de beaux cadeaux à Noël ? Quand vous étiez jeune exigiez-vous qu'Il vous fasse réussir une épreuve, un examen ? Aujourd'hui, quand vous priez votre Dieu, si vous le priez, demandez-Lui vous quelque chose ou vous refusez-vous de Le mettre à l'épreuve par des demandes précises ? Pratiquez-vous des prières de demandes pour qu'il vous arrive tel ou tel chose ou des prières de louange parce qu'il cous arrive tel ou tel événement ?

L'interrogation théologique d'Akhaz "oser demander" reste d'actualité.

Quel est donc ce signe que Dieu va donner à Akhaz ainsi que l'annonce Esaïe ? C'est assez simple : la jeune femme, enceinte, accouche d'un enfant et lui donne le prénom d'Immanuel. C'est assez simple et le sens semble clair … sauf ces sept mots ne sont pas limpides.

La jeune femme : l'article défini est dans le texte hébreu, il ne s'agit pas d'une femme quelconque, mais de "la" femme, "la" mais laquelle ? Aucun nom n'est indiqué, ni ici, ni avant, ni plus loin. Mais si Esaïe dit au roi "la" femme, c'est que Akhaz l'a connait et qu'il n'est point besoin de la nommer. On pense qu'il s'agit de la jeune épouse du roi.

Jeune femme : en hébreu le mot hmal(a ("almah) peut se traduire par "jeune femme" ou "jeune fille" et se rapporte à l'âge, c'est-à-dire la période après l'enfance et avant d'avoir la responsabilité d'une mère de famille. Le mot n'a a priori aucune connotation de sexualité et il n'y a aucune raison de traduire par "vierge". D'ailleurs ce mot est la forme féminine du mot mle(' ("élem) "jeune homme", quelqu'un d'adulte, mais qui n'a pas encore la sagesse du vieil homme … de quarante ans. Si certains se préoccupent de la virginité féminine, personne ne se demande si la "jeune homme" croisé dans la rue est un "puceau", pourtant un "puceau" est un "vierge" au masculin.

À cette époque une fille était pubère plus tardivement qu'aujourd'hui et se mariait plus jeune, souvent autour, dit-on, de quinze ans ; la période pendant laquelle une jeune femme pouvait être pubère et vierge était assez courte et n'était pas porteuse d'une signification particulière.

Akhaz était dans une attente, celle d'une descendance qui assurerait une postérité à la lignée royale. Ce n'est pas une petite attente comme celle des jours qui précèdent un anniversaire. C'est une attente vitale pour Akhaz et la royauté : si cet événement attendu n'arrive pas le régime va tomber, si cette naissance survient, un avenir est possible dans une indépendance politique précaire, mais réelle.

Vous l'avez peut-être entendu, l'annonce de cette naissance attendue s'appuie sur deux promesses fortes :

La première promesse renvoie au pays où coule le lait et le miel, qui est l'annonce de Dieu à Moïse lorsqu'Il se révèle à lui (de nombreuses citations, par exemple Exode 3,8) ; certes dans Isaïe c'est la crème du lait et dans le Pentateuque c'est le lait simple. Mais c'est la même idée avec comme différence le travail nécessaire pour transformer le lait en crème ; c'est un signe du passage de la nature à la culture.

La seconde promesse rejeter le mauvais et choisir le bon fait référence au choix conseillé par Dieu dans le livre du Deutéronome (30,19) J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, ce ne sont pas les mêmes mots, mais ils sont proches : "le bien et le mal" en Esaïe, "la bénédiction et la malédiction" en Deutéronome. Ces deux textes se placent dans une promesse de descendance, c'est-à-dire de continuité de la vie : pour que tu vives, toi et ta descendance en Deutéronome, la jeune femme enceinte, accouche d'un fils, d'une vie, pour Akhaz.

La seconde promesse rejeter le mauvais et choisir le bon renvoie aussi, surtout, au second récit de la création (Genèse 2,9) Le SEIGNEUR Dieu fit germer du sol tout arbre d'aspect attrayant et bon à manger, l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. Le problème de l'humanité, 'Adam, a été de ne pas savoir se situer entre le bien et le mal, d'où la fin de sa relation privilégiée avec Dieu et son départ symbolique du jardin. Par contre chez Esaïe, l'enfant annoncé saura faire le bon choix.

Ces deux promesses placent la naissance annoncée d'un héritier du roi dans la lignée de deux récits mythiques de l'histoire biblique : la naissance du peuple humain en Genèse et la naissance du peuple croyant en Exode. Cet enfant qui vient ouvrira une nouvelle ère dans la relation entre l'humanité et la divinité.

On comprend que la tradition israélite ait entendu dans ce texte une prophétie messianique.


Le récit de Matthieu

L'annonce

C'est pourquoi Matthieu réutilise la prophétie d'Esaïe pour annoncer la naissance de son héro, de Jésus. Cet enfant devenu adulte établira une relation privilégiée entre d'une part lui et nous les humains et d'autre part son Dieu qu'il appelle son père et que nous sommes appelés à faire nôtre (notre Dieu et notre Père).

Il raconte un récit semblable à cette histoire d'Esaïe : une femme attend un enfant qui fera de grandes choses. Une femme … ce n'était pas le sujet de ma prédication mais les discussions que j'ai eues en préparant ce culte m'ont montré l'obligation d'en parler.

Une vierge

J'ai bien dit une femme et pas une vierge car je lis le texte de Matthieu et pas celui que je crois connaître. Dans l'histoire de Matthieu, Marie est qualifiée d'abord de "mère" mhter de Jésus (18), puis l'ange dit (20) à Joseph qu'elle est sa "femme" gunh, mot commun désignant une femme de n'importe quel âge, qu'elle soit encore célibataire, déjà marié ou veuve, une femelle de l'espèce humaine, d'où dérive le mot français gynécologie. C'est le même mot qui est repris à la fin de ce récit (24).

Par contre celui qu'on appelle Matthieu a inséré dans son récit la reprise de la prophétie d'Esaïe qui lui sert pour donner le sens de la naissance de Jésus, tel qu'il le comprend et nous le transmet. Dans cette citation, en grec puisque Matthieu écrit en grec, figure le mot parqenoj, qu'on traduit par "vierge", ce que nous indique le dictionnaire BAILLY qui fait référence en la matière. Ce mot, Matthieu ne l'invente pas, il le reprend de la traduction dite des Septante, traduction du Premier Testament faite par et pour des israélites de langue grecque bien avant l'apparition du christianisme.

Matthieu ne qualifie pas Marie de parqenoj de vierge, il dit qu'elle est femme et mère et il utilise un texte préexistant qui parle d'une femme, d'une autre femme, celle d'Akhaz, qui était parqenoj vierge, selon le grec de la Septante mais dont nous avons vu que le texte originel hébreu qualifie simplement de "femme". Je ne sais pas pourquoi la Septante a utilisé "vierge" pour traduire "jeune femme", mais je sais que Matthieu n'a écrit "vierge" que parce que sa Bible avait utilisé ce mot et pour cette seule raison.

En dehors de cette citation le mot parqenoj vierge se trouve trois fois dans cet évangile au chapitre 25 dans la parabole des vierges qui attendent l'époux, certaines avec, d'autres sans huile dans leurs lampes ; rien à propos de Marie. Dans un autre récit de l'enfance, Luc indique que Marie était une parqenoj fiancée à Joseph ; pas d'autre utilisation de ce mot dans Luc, même pas pour Marie ; aucune dans Marc et dans Jean.

Les huit autres occurrences de ce mot dans tout le Second Testament traitent de la situation religieuse des femmes vierges, c'est-à-dire des femmes pubères à marier, ou à ne pas marier. Le texte de la première lettre de Paul aux Corinthiens, le plus prolixe sur le sujet, est assez symétrique en ce qui concerne les jeunes hommes qui pourraient, eux aussi, avoir intérêt à ne pas se marier.

La virginité de Marie est une question passionnante pour une étude biblique, mais pour un protestant réformé ce n'est pas vraiment une question de foi, pas un sujet de prédication.

Que peut nous apporter maintenant ce petit mot, vierge, écrit peut-être à l'insu du plein gré de l'évangéliste, qui a fait et fait encore, l'objet de longs développements de théologiens de tout bord ? Les auteurs de la Bible n'étaient pas des gynécologues et ce n'est pas la présence, ou l'absence, d'une petite peau, d'un hymen qui les préoccupait. Ce qui est significatif, c'est le sens que peut avoir cette période qui s'étendait entre la puberté et le mariage pour celles et ceux parmi vous qui sont né(e)s dans la première moitié du 20ème siècle, cette période qui sépare la maturité sexuelle de la première vie en couple pour nous qui sommes né(e)s après.

Ce temps, celui de l'adolescence, n'existait presque pas dans l'antiquité en Orient ; par contre, il était assez long pour vous les anciens, mal ressenti pour nous les soixante-huitards et il est devenu presqu'inexistant pour la génération de mes enfants. Cette évolution est-elle un bien, un mal, je ne le sais, mais c'est un fait dont il faut tenir compte, y compris dans le discours théologique d'une prédication, pour être audible, pour être crédible.

Quelle est la caractéristique de cette période ? C'est l'attente ! Attente de l'époux pour les unes, de la compagne pour les autres ; attente de celui ou de celle qui va venir.

Autrefois c'était l'attente du choix qu'allaient faire les parents pour trouver l'héritier ou l'héritière dont les terres jouxtent les leurs. Il y a quelques décennies, c'était le cycle des bals qui permettait aux jeunes de chanter et danser dans les villages alentour afin de rencontrer l'heureux élu ou la future bienheureuse. Pour moi, c'était la période des bandes qui couraient les rues, quand les filles espéraient le prince charmant et les garçons fantasmaient sur un harem digne du sultan. Maintenant c'est un passage devant l'écran pour des jeux de rôle en réseau et de fausses identités qu'on se donne sur Facebook. Ce n'est plus le temps de l'attente, mais celui du "tout, tout de suite", tout l'argent, toute la consommation, tout ton corps … maintenant.

Je ne jette pas la pierre à cette nouvelle génération pour son comportement car le responsable, ce ne sont pas les jeunes, mais ma génération qui les a voulus et enfantés et qui n'a pas su leur transmettre l'art de choisir et le plaisir d'attendre.

La responsabilité de toute génération est d'apprendre à la génération suivante de faire des choix de vie, pas les choix des parents, mais son choix dans sa situation. C'est l'objet même de la promesse d'Esaïe : l'enfant à naître saura "rejeter ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon"

Car cette période d'attente, de latence, est une période d'ouverture à l'autre et du plaisir du désir. Comme je ne sais pas quel(le) va être mon allié(e), mon attente me rend attent …if à tous et toutes, prêt à discerner leurs qualités (et leurs défauts). Comme tout autre va peut-être devenir mon autre, je désire établir une relation vraie et dénuée de tout pouvoir avec toute personne qui passe afin de reconnaître les atomes crochus qui pourraient nous réunir. Pour que mon cœur soit disponible à un(e) futur(e), mon attente me rend atten …dri devant mon prochain.

C'est le temps de la virginité des hommes comme des femmes, c'est le temps de l'apprentissage de l'attente, le temps d'apprivoiser la venue de ce qui va clore cette phase nécessairement limitée. Marie, devenue malgré elle figure du croyant, était dans l'attente du Messie d'Israël, elle était vierge du christianisme à naitre.

Des fiançailles

Marie était, dit notre passage, accordée à Joseph (18) ; on peut aussi traduire par fiancée, mais le mot grec évoque le souvenir et l'attachement. Il ne s'agit pas des fiançailles actuelles, simple occasion de fête, ni d'une autorisation de sortir ensemble au vu et au su de tous comme ce l'était peut-être pour certains d'entre vous.

Dans la législation israélite en vigueur, il ne s'agissait pas de l'ouverture d'un possible, mais d'un engagement définitif, d'un contrat civil qui correspond un peu à notre mariage. Le couple ne vivait pas encore ensemble, ils n'avaient pas encore de relations sexuelles, mais, pour le reste, y compris les héritages, ils étaient mariés. Le couple était époux et épouse mais pas amant et amante. C'était d'ailleurs une pratique assez habituelle dans le Proche Orient Ancien car elle permettait d'établir un couple sans risque d'enfant, notamment quand la fille, plus rarement le garçon, n'était pas encore pubère ou que la fille était trop jeune et qu'une grossesse prématurée présenterait un risque pour sa santé.

Le mariage lui-même n'était plus que le moment où le mari prend chez lui son épouse, où il l'emporte comme dit notre texte (24), où Joseph emporte Marie pour lui faire franchir la porte de sa maison comme c'était la coutume il n'y a pas si longtemps.

Ces fiançailles pouvaient être rompues, mais avec le même formalisme que si le mariage avait été consommé. C'est-à-dire par une lettre de répudiation délivrée unilatéralement par l'homme, sans besoin d'explication, parfois sans raison. C'est ce que Joseph se préparait à faire (19) quand le messager de Dieu l'en dissuada. Finalement Joseph et Marie cohabitèrent.

La conception

Et Marie passe d'une attente à une autre attente. Après avoir attendu son mari, elle attend son fils. Ce nouveau temps d'attente va durer neuf mois, le temps de la grossesse.

Mais auparavant, il faut dire quelque chose du début de la grossesse, à vrai dire pas grand-chose, tant le texte est muet sur la conception de Jésus. Matthieu nous dit que Marie "fut trouvée ventrue par un Esprit Saint" (18) et que "ce qui a été engendré en elle vient par un Esprit Saint" (20).

Rappelons-nous que quand ces textes furent écrits et jusqu'à relativement peu, le rôle de la femme dans la fécondation était complètement ignoré. On continue même à dire aux enfants que l'homme sème une petite graine dans le ventre de la femme, ce qui est complètement faux. Une graine est déjà la plante complète qui ne demande qu'à pousser et n'a besoin de la terre dans laquelle elle a été plantée que pour se nourrir. Le spermatozoïde de l'homme n'est rien sans l'ovocyte de la femme et il faut la conjonction des deux pour constituer un zygote, un œuf qui deviendra in fine un être vivant.

Aujourd'hui certains se demandent comment un ovule de Marie est devenu œuf, embryon, fœtus … puis Jésus par un Esprit Saint. L'évangéliste avait une tâche plus simple pour dire que depuis l'Esprit de Dieu était entré dans Marie une nouvelle vie. Mais il ne donne aucune explication, aucun détail car l'évangile n'est pas une encyclopédie, mais le livre d'une vie de rencontres.

Une grossesse

De même que Matthieu est elliptique sur la conception de Jésus, de même il est muet sur ce temps d'attente qu'est la grossesse, vide que comblera l'auteur de l'évangile de Luc avec la grossesse parallèle d'Élisabeth et la rencontre des deux cousines.


L'Évangile de Jésus annoncé aux Romains

Venons-en au texte de Paul, ce que je pensais être initialement le sujet de ma prédication et qui ne sera ici qu'effleuré pour éviter de vous lasser.

Souvent les lettres de Paul (Corinthiens, Galates, Colossiens, …) sont à l'origine des réponses qu'apporte l'apôtre aux questions que lui avaient posées les chrétiens des Églises qu'il avait lui-même fondées.

Rien de tel ici, l'Église de Rome n'a pas été fondée par Paul et malgré plusieurs hypothèses possibles, on ne sait pas vraiment qui fut ou furent les premiers prédicateurs dans cette ville. Alors pourquoi Paul écrit-il cette bafouille ?

Paul veut aller annoncer Jésus-Christ au-delà de l'Asie Mineure et de la Grèce qu'il avait déjà parcourues. Son objectif est l'Espagne (Romains 15,24.28), c'est-à-dire les confins de la terre habitée, en tout cas celle connue alors. Comme l'Ibérie était terre de l'Empire romain, donc dépendait politiquement de Rome, il a semblé nécessaire à Paul de passer par la capitale. Et comme une Église était établie dans la ville aux sept collines, il lui fallait être reconnu et envoyé par les romains.

Paul présente ses convictions, sa théologie à l'Église de Rome, d'où cette lettre, pour se faire reconnaître digne d'être appelé apôtre et envoyé au nom de Rome. En passant, cela veut dire que Paul n'était pas le personnage illustre et connu de toutes les Églises locales comme on pourrait l'imaginer. Il doit faire ses preuves, comme un paroissien qui désire se faire reconnaitre comme prédicant dans son Église.

Car Paul veut se faire reconnaitre apôtre. Pour nous ce mot est un mot technique pour indiquer les douze premiers disciples de Jésus auxquels on adjoint Paul. Ce substantif apostoloj dérive du verbe apostellw qui signifie "envoyer". Pour se faire envoyer par l'Église de Rome en Espagne, Paul affirme qu'il est d'abord envoyé par Dieu. Ce n'est pas lui qui s'est auto-désigné envoyé, c'est, dit-il, Dieu qui l'a appelé. "Appelé" a ici le même sens que "choisi" ou "élu" ; Paul s'approprie le concept israélite de peuple élu, c'est-à-dire choisi par Dieu comme porteur de son alliance.

Paul, lui est porteur de la nouvelle alliance. Vous savez sans doute que ce que nous appelons "testament" dans la Bible vient d'un mot latin testamentum qui désignait un pacte, une convention, en particulier celle liant un soldat à son officier, c'est une alliance entre une personne et une société.

Lui Paul se dit la voix de la Bonne Nouvelle (voix v-o-i-x la parole, tandis que Jésus en est la voie v-o-i-e, le chemin). Vous savez sans doute que le mot "évangile" est une reprise du grec euaggelion, mot formé d'un adjectif eu bon (bonne) et d'un substantif aggelion nouvelle ; vous savez peut-être que les manuscrit grecs sont écrits sans espace, les mots à la queue leu leu, de sorte qu'on ne peut pas distinguer euaggelion de eu aggelion, "évangile" de "bonne nouvelle".

Paul ne se dit pas envoyé pour un livre, l'évangile, mais pour une bonne nouvelle, celle qu'il résume dans ces premiers versets de la lettre aux Romains et qu'il développe dans les 16 chapitres de cette lettre. Rassurez-vous, je ne vais pas commenter ces 16 chapitres, mais seulement deux versets les 3 et 4.

Le bonne nouvelle que Paul est envoyé annoncer, la bonne nouvelle qu'à sa suite, nous sommes tous, nous les chrétiens, envoyés annoncer est ici résumé en deux affirmations s'appliquant pareillement à Jésus le Christ. Vous avez noté que je n'ai pas dit les deux natures de Jésus-Christ, mais les deux paroles nécessaires ensembles pour comprendre qui était notre Maître. Quelles sont-elles ?

La suite du verset "par le relèvement d'entre les morts" renforce cette idée. Paul semble indiquer que Jésus-Christ a été établi dans une filiation divine "par" ou "lors de" son relèvement d'entre les morts, c'est-à-dire par ou lors de sa résurrection. Cette idée n'est pas exceptionnelle dans notre Nouveau Testament, c'est exactement la prédication de Pierre le jour de la Pentecôte (Actes 2,23.32.36) Cet homme … vous l'avez supprimé en le faisant crucifier … Ce Jésus, Dieu l'a relevé ; nous en sommes tous témoins … Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié !

Cette conviction a été celle de l'Église primitive pendant quelques temps, elle vient en contrepoint de la foi générale en une filiation divine dès la conception, c'est ce qu'on peut comprendre du texte de Matthieu, ou lors de son baptême par Jean le baptiste, ce sera la thèse de Marc, ou encore dès l'origine du monde, comme on le lit en Jean l'évangéliste.

De toute façon les mots manquent quand chacun et chacune cherche à comprendre l'humanité et la divinité de Jésus le Christ. Et c'est encore plus dur d'exprimer cela aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui. Pourtant c'est bien ce qui nous est demandé pour annoncer la bonne nouvelle ici et maintenant.


Exhortation

Voici venue la dernière semaine de ce temps d'Avent. Par le choix des textes de ce jour, l'Église nous a invités à nous poser quelques questions :

Ces trois questions, ou d'autres, peuvent alimenter vos pensées pendant le moment musical qui va nous être donné.

Amen !


@ de cette page :
   http://jean-luc.dupaigne.name/fr/chr/attendre.html
Date de création : 19 décembre 2010.
©Jean-Luc Dupaigne 2010.