Église, église, Églises

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Sommaire

Église ou église, cathédrale, temple

Commençons par le plus facile et par enfoncer quelques portes ouvertes. Le mot église en minuscule désigne un bâtiment, tandis que Église avec une majuscule désigne une communauté de croyants.

Pour se distinguer, les protestants réformés utilisent le mot temple de préférence au mot église pour désigner l'immeuble afin d'éviter la confusion verbale entre le mot en minuscule et celui avec une majuscule.

Les catholiques et les orthodoxes utilisent aussi le mot cathédrale pour désigner l'église où est le siège de l'évêque (cathédra vient du grec siège ou fauteuil), et le mot basilique pour désigner certaines églises remarquables comme la Basilique de Fourvière à Lyon dressée par les bourgeois après 1870 en remerciement d'avoir échappé aux prussiens (un peu) et aux communards (beaucoup). Mais la fonction cultuelle de ces bâtiments est la même que celle des églises.

Mais, même pour la mot "église" en minuscule, des conceptions divergentes sont à signaler entre les Églises.

Quand on rentre dans une église catholique, on est censé parler à voix basse et circuler sans bruit, même en dehors des offices. Il est vrai qu'il convient de ne pas déranger les personnes qui sont venues se reposer ou prier dans ce lieu, mais ce n'est pas la raison invoquée d'habitude. Il faudrait se recueillir parce que l'église (bâtiment) est la maison de Dieu.

Cette notion est assez déroutante pour un protestant. Comme si Dieu avait besoin d'une maison pour être présent au monde. Ou est-il plus prudent d'enfermer Dieu entre des pierres pour éviter qu'il agisse sur terre ? Il est probable que la conception catholique de la présence réelle de Christ dans le pain et le vin de l'eucharistie a dérivé dans une notion floue de présence réelle de Dieu dans le bâtiment où se célèbre cette eucharistie.

Cette conception catholique de l'Église est assez proche de celle exprimée dans le Talmud par les maîtres israélites au sujet du Temple de Jérusalem comme un espace sacré, le lieu particulier de la shékhina, de la présence (spéciale même si non exclusive) de Dieu sur Terre. Mais ce concept a été formulé, voire élaboré, après la destruction du Temple en 70 de l'ère commune, quand il n'y avait justement plus de lieu sacré. De plus ce lieu (le Temple) est unique pour le judaïsme comme signe de l'unicité de Dieu, alors qu'il y a de nombreuses églises pour le catholicisme (qui ne constituent pas un signe de la multitude de dieux).

Quand un occidental entre en Orient dans une église orthodoxe, même et surtout pendant les offices, il est frappé par l'absence de chaise et de banc et par le va-et-vient incessant des fidèles venant écouter, un peu, le célébrant, embrasser les icônes ou se promener avec le cabas plein de victuailles en revenant du marché. Il est vrai que les offices durent si longtemps et si souvent sans participation effective des personnes présentes. Ainsi l'église est un lieu plein de vie car c'est la maison du peuple de Dieu.

Il y a plus qu'une nuance avec la position catholique, ici le peuple de Dieu a un bâtiment et l'utilise visiblement, tandis que là-bas la présence de Dieu est moins évidente que son absence.

Pour nous, le temple protestant est uniquement le lieu où se réunit l'Église locale pour célébrer le culte, il n'a aucun caractère sacré, et correspond à la simple nécessité de disposer d'une salle assez grande pour nous réunir. D'ailleurs les conversations s'y déroulent à voix haute (en dehors du temps des offices, bien sûr).

Les différentes confessions chrétiennes n'utilisent pas le même vocabulaire pour désigner les choses de leur religion commune, y compris pour les bâtiments.

Profitez de cet article pour visiter le temple du Change à Lyon.

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Un rassemblement

Le mot français Église vient du latin ecclesia qui est une décalque du mot grec e0kklhsia (ekklêsia). Ceci signifie au mot à mot "convoqué hors".

L'Église est donc convoquée, elle ne tire pas sa raison d'être d'elle-même, mais de Celui qui demande aux hommes et aux femmes de s'assembler. Pour faire groupe ceux-ci sortent (e0k, ex) de leur situation d'origine.

Cette sortie du monde ne signifie pas un isolement mais le changement d'orientation nécessaire pour entrer en Église, c'est-à-dire dans notre jargon la conversion depuis le polythéisme vers le monothéisme judéo-chrétien (voir Dieu ou dieux).

La foi chrétienne en un Dieu personnel ne peut pas se vivre isolément, elle a besoin de l'assemblée pour exprimer et construire sa foi, pour signifier la présence divine au sein de l'humanité.

L' (une) Église est constituée d'hommes et de femmes se reconnaissant mutuellement comme cheminant ensemble vers leur Dieu qui les appelle tout en vivant dans le monde parmi d'autres humains ayant éventuellement d'autres opinions.

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Un singulier bien pluriel !

De grandes divergences existent entre les chrétiens sur l'actualité de ce rassemblement. Pour le catholicisme romain et l'orthodoxie, l'Église voulue par Dieu est déjà une réalité. À ce titre chacune de ces deux Églises se considère comme la seule héritière du fondateur et le seul rassemblement voulu par Dieu. Face à la division constatée entre les chrétiens, ces Églises sont dans le désaroi (catholicisme) ou l'exaspération (orthodoxie) puisque la réalité ne se plie pas à la théorie.

Pour les protestants, l'Église est une promesse, un pas encore, un objectif d'unité en Christ vers lequel doivent tendre les croyants. L'Église est un rassemblement d'hommes et de femmes donc n'est jamais achevée comme toute oeuvre humaine. L'Église une est un objectif, un devenir qui ne deviendra une réalité que quand il plaira à Dieu.

L'argument est un peu faible et ressemble au dépit du renard de la fable déclarant verts les raisins qu'il ne peut pas atteindre. Mais il a l'avantage d'être cohérent avec la réalité et d'être porteur d'une dynamique et d'un espoir pour aller vers l'unité.

La pluralité des Églises s'explique en grande partie par des compréhensions diverses qu'ont les chrétiens :

Dans la tradition orthodoxe, il n'est pas accepté d'avoir des idées différentes car la formulation de la foi est réputée unique et permanente.

Dans la tradition catholique, l'idée de l'unicité de l'Église est première, au delà des conceptions de ce qu'est la foi. À la limite, peu importe ce qu'on pense de Dieu ou de l'attitude nécessaire du chrétien face à l'injustice sociale, ce qui est important c'est la fidélité à l'organisation ecclésiale (autour du pape). Quand on fréquente assidument les catholiques, on est témoin et confident de leurs divergences internes, de leurs doutes, leurs désespoirs parfois. Cependant c'est l'unité apparente qui prime.

Dans la tradition protestante, quand un groupe de croyants estime avoir des différences importantes avec leur Église d'origine et qu'ils n'arrivent pas à la réformer de l'intérieur, ils fondent une nouvelle Église à coté. C'est assez con, mais cela a le mérite de la clareté et de la lisibilité.

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De la pluralité à l'apprentissage de l'écoute

Cette multiplicité des Églises est même une occasion de dialogue entre groupes ayant chacun une vision claire de ce qu'il est et de ce qu'il pense de sa foi. Le dialogue est toujours plus simple quand on sait qu'où on parle et il est toujours plus difficille quand on entretient la confusion en se sachant différents tout en maintenant la fiction de l'accord. Il n'y a qu'à observer comment semble impossible le dialogue entre l'évêque Jacques Gaillot et le pape Jean-Paul II, entre deux hommes qui affirment l'un et l'autre avoir tout en commun dans une même Église.

Cette reconnaissance de la différence est aussi ce qui permet la constitution d'Unions d'Églises, telle la Fédération Protestante de France. Il nous est possible de parler ensemble parce qu'on est plusieurs à regarder selon plusieurs points de vues, mais dans la même direction.

La dissémination des Églises n'est d'ailleurs pas une fatalité exponentielle, L'Église Réformée de France, à laquelle je participe, est née en 1938 au Temple du Change de Lyon de la fusion de plusieurs Unions d'Églises.

Dans le jargon chrétien cette démarche de dialogue est appelée œcuménisme, c'est la volonté commune de dialoguer pour chercher à comprendre l'autre sans aucune volonté de l'ammener à ses propres convictions. C'est accepter d'être interrogé sur le sens de sa propre foi par la parole de l'autre, et d'être remis en cause dans sa formulation de la foi par l'expression de la foi de l'autre.

C'est une démarche très lente et pleine de promesses, car elle respecte les opinions de chacun tout en espérant se mettre tous à l'écoute de l'Esprit de Dieu qui nous demande de faire unité en respectant nos diversités.

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Date de création : 18 août 2000.
Dernière révision : 3 décembre 2003.
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