Des ministères au cours de

Retour au sommaire de la section chrétienne

la seconde moitié du second siècle

Sommaire

Justin

Justin est né vers 100 de colons romains en Palestine, philosophe platonicien il se convertit chrétien en 130 à Éphèse puis il vit à Rome comme simple membre de la communauté chrétienne. Vers 150 il tient école chez un nommé Martin, près des Thermes de Timothée.

Dans les Apologies (datées de 155), il fournit une description de la liturgie du baptême (1 Apologie 61 à 65) et de l'eucharistie (1 Apologie 65 à 67). Ceci sera repris durant son interrogatoire.

Pour le baptême, la formule trinitaire (baptisé au nom du Père, au nom du Fils et au nom de l'Esprit) est utilisée. Il est indiqué (61,10) qu'un ministre est chargé de conduire le postulant au bain, mais son titre n'est pas précisé.

Le président (65,21) de l'assemblée des frères dit (65,5) l'action de grâce (eucharistie 66,1).

Des diacres sont chargés de distribuer la communion aux présents (65,5) et aux absents (67,5).


Irénée de Lyon

Irénée est né à Smyrne en Asie Mineure vers 140, "enfant" il écoute l'épiscope Polycarpe, qui fut, selon lui, désigné par l'Apôtre Jean. Sans qu'on sache pourquoi, il voyage, séjourne à Rome, puis on le retrouve presbytre à Lyon vers 170. En 177, il est, dit-on, élu épiscope ; même si la tradition le nomme épiscope de Lyon, il était plus probablement celui de Vienne (actuellement en Isère), ville romaine importante et capitale des trois Gaules, dont dépendait alors la bourgade de Lugdunum, devenue depuis Lyon.

Il écrit, en grec, "Contre les Hérésies" pour lutter contre le gnosticisme. Cet ouvrage de réfutation ne parle pas de l'organisation de l'Église, mais se base sur quelques-uns de ses aspects, (en, en appuyant les traits ?) pour confondre les gnostiques, qui, selon Irénée, ne représentent qu'eux mêmes.

Irénée insiste sur la succession des témoins de la foi, mais la terminologie varie pour désigner les générations successives de croyants.

"Car les apôtres voulaient que fussent parfaits et irréprochables ceux qu'ils laissaient pour successeurs et à qui ils transmettaient leur propre mission d'enseignement. Les épiscopes qui furent établis par les apôtres dans les églises et leurs successeurs jusqu'à nous ..." (Contre les Hérésies III 3,1). Contrairement à ce qu'on veut faire dire à ce texte et à tous les autres qui suivent, Irénée ne parle pas de succession des épiscopes, seuls ont ce titre ceux qui ont été nommés par les Apôtres, les suivants ne sont que des successeurs.

À la seconde génération (celle après les apôtres), "Polycarpe est établi comme épiscope de l'Église de Smyrne ... ceux qui ont succédé à Polycarpe" (Contre les Hérésies III 3,3) . Seul Polycarpe reçoit le titre d'épiscope car il a connu Jean, selon la tradition. Ensuite il ne s'agit que de successeurs, pas d'épiscopes.

De même, "les successions de toutes les Églises ... les successeurs des apôtres" (Contre les Hérésies III 3,2) ; "les apôtres ont remis à Lin la leitourgia de l'épiscopat ... L'épiscopat échut à Clément ... et l'Église de Rome adresse une lettre aux Corinthiens". Aucune des personnes nommées dans la succession à Rome n'est appelée épiscope, seule est transmise la fonction de surveillance, l'épiscopat.

Remarquons qu'Irénée utilise comme référence les Églises de Rome et Smyrne principalement parce qu'il a vécu dans ces deux Églises et qu'il les connaît bien, et non pas pour des raisons supposées de préséance de ces Églises sur les autres.

Cette succession de responsables est racontée en faisant référence à la communauté chrétienne, pas comme une fonction en soi. Le suivant est successeur de celui qui avait avant lui la même responsabilité au même endroit ; le prédécesseur est mort sans avoir rien transmis ni physiquement ni sacramentellement. La succession se fait par et à cause de l'Église locale qui continue. Notons qu'Irénée ne donne aucune indication sur les modalités de la succession, sur le choix du nouveau responsable et sur les modalités de l'installation (l'ordination), mais ce n'était pas l'objectif du livre.

La succession des responsables n'est justifiée que par la nécessité de la permanence de la fonction auprès d'une communauté. Si la notion de sacrement agissant avait existé alors, et si elle avait eu le premier rôle, Irénée aurait légitimé cette succession en nommant les épiscopes ayant participé à la mise en place. Au contraire, Irénée insiste sur la succession des responsabilités de l'épiscopat et non pas sur la succession des hommes.

En fait le concept de succession et apostolique de tradition apostolique n'est pas nouveau, il apparaît pour la première fois dans un écrit gnostique (Épître de Ptolémée à Flora, vers 165) où on fait remonter les secrets gnostiques aux apôtres. Pour contrer la succession secrète de didascales gnostiques, Irénée formalise une succession publique et liée à la foi de toutes les communautés qui se sont suivies. L'épiscope est témoin de la foi de sa communauté ; le poids doctrinal d'une succession d'épiscopes visibles est plus fort que celui d'une succession de docteurs indépendants. D'où cette insistance sur la fonction enseignante assumée par l'épiscope.

"La tradition que les apôtres ont transmise à ceux à qui ils confiaient ces Églises" (Contre les Hérésies III 4,1). L'argument n'est pas ecclésiologique, il permet d'asseoir l'autorité de l'Église par une succession d'enseignements et non pas par une succession de personnes fussent-elles épiscopes. Il y a d'une part la succession et d'autre part la tradition apostolique, mais pas (encore) la succession apostolique des épiscopes.

"La tradition qui nous vient des apôtres et qui, grâce aux successions des presbytres, se garde dans les Églises". (Les hérétiques seraient-ils) plus sages que les presbytres, plus sages que les apôtres ?" (Contre les Hérésies III 2,2). La succession ne cite pas les épiscopes, elle passe des apôtres aux presbytres.

"Des presbytres étaient groupés en Asie autour de Jean" (Contre les Hérésies II 22,5). A sept reprises (Contre les Hérésies IV 27-32), Irénée utilise l'exégèse d'un presbytre disciple des apôtres : grâce aux témoignages des presbytres (Contre les Hérésies V 1, 30,1, 33,7-8), Irénée rétablit sur l'ancien testament des vérités (!) refusées par les gnostiques.

Il est simplissime de prétendre qu'Irénée confond les mots "épiscope" et "presbytre", alors qu'il les emploie dans des sens clairs et distincts.

Les épiscopes sont les successeurs directs des apôtres. La charge de l'épiscopat se perpétue dans les Églises par une suite de presbytres. La mission d'enseignement passe par l'ensemble des presbytres.


Clément d'Alexandrie

Clément est né à Athènes vers 150 de parents païens, il se convertit au christianisme et voyage beaucoup puis se fixe à Alexandrie vers 180. Clément ouvre une école privée où tous, chrétiens, israélites et païens reçoivent un enseignement philosophique qui amène souvent ces derniers au baptême. Il est un didascale qui réfléchit sur la foi, mais n'aura aucun rôle officiel dans l'Église locale qui respecte son indépendance.

Il était plus intéressé par l'approche philosophique et exégétique du christianisme que par l'ecclésiologie ou la vie des communautés. Cependant il écrit vers 190 dans les "Stromates" (III, 12, 90), contre ceux qui pensaient que le monde était mauvais, qu'il fallait s'en affranchir et s'abstenir de procréer pour ne pas prolonger la vie mauvaise.

Clément présente le "laïc" comme un modèle de vie dans le peuple de Dieu. Ce terme englobe les chrétiens fidèles, monogames, comme le sont l'épiscope, le presbytre et le diacre.

C'est un terme englobant qui signifie le chrétien d'élite, y compris les ministres de l'Église, alors qu'aujourd'hui dans l'Église Romaine, le mot laïc désigne ceux qui ne sont pas ministres.


Alexandrie

Selon Clément

La seconde ville du monde romain, avec son million d'habitants, abrite, écrit Clément, dix épiscopes.

Selon Origène

Or Origène, cinquante ans plus tard, ne se trouve face qu'à un seul épiscope, d'une communauté fort nombreuse. On pourrait imaginer une fusion de dix "diocèses", mais cela n'est pas certain, il est aussi possible qu'au temps de Clément Alexandrie, l'Égypte était administrée par un collège presbytéral dont les dix membres étaient appelés épiscopes.

Selon Jérôme

Beaucoup plus tard, Jérôme (Lettres 146,1) rapporte qu'à Alexandrie depuis Marc jusqu'à Héraclas (231-248) et Denys (249-265), les presbytres élisaient l'un d'eux et le plaçaient dans un rôle plus élevé en le nommant épiscope, comme si les diacres choisissaient un archidiacre. L'élection de l'épiscope par les presbytres ne prouve pas le rôle joué par l'élu, mais la comparaison avec les diacres montre que la fonction de l'épiscope ne se distinguait pas fondamentalement de celle des presbytres, comme un "primus inter pares". Jérôme ajoute qu'il n'y avait qu'un seul épiscope en Égypte, ce qui est assez surprenant au vu de la taille de ce pays.

Ou s'agissait-il d'un super épiscope régional unique, un métropolite, et des épiscopats collectifs locaux ?


Tertullien

Tertullien est né peu après 150 à Carthage. Il a reçu une formation de juriste à Rome, puis se convertit au christianisme à Carthage. Sans être presbytre, il semble avoir été quelque temps catéchète. Il est le premier auteur chrétien à écrire en latin, son œuvre est composée de nombreux ouvrages, dont l'Apologie, et des ouvrages polémiques. Après 200 il devient montaniste, secte d'une morale rigoriste.

Toutes les Églises, si nombreuses soient-elles, sont chacune l'Église primitive apostolique car les apôtres ont fondé des Églises dans chaque cité. Ces Églises attestent leur unité parfaite et se communiquent la paix (De praescriptionne 20,5-7).

Dans le "Discours du procès" contre les hérétiques, il prouve la justesse des positions de l'Église par l'unité de sa doctrine. "Elle demeure en une communion sans faille avec les antiques fondations apostoliques d'Asie mineure, de Grèce et de Rome". "L'Église catholique a reçu sa doctrine, comme les Écritures, immédiatement des apôtres". Cette uniformité dans le temps et dans l'espace laisse septique l'historien moderne, mais elle témoigne d'une volonté de dire la continuité de l'enseignement.

Il ajoute "je suis l'héritier des apôtres", ce qui élargit peut-être la succession apostolique à l'ensemble des croyants.


L'Église de Phrygie

L'écrit Anonyme contre Avricium, écrit peu avant 200, répond à une autre préoccupation. L'Église est confrontée à des prophètes extatiques qui sèment le désordre dans les assemblées et dans la foi des chrétiens.

Il accuse Montan "de prophétiser d'une manière contraire à la tradition et à la succession de l'Église depuis l'antiquité". Le polémiste montre a contrario une discontinuité dans la succession des prophètes hétérodoxes. Il faut justifier d'une succession prophétique, mais elle est rompue chez les Montanistes.

C'est l'Église assemblée qui porte le prophétisme véritable.


Synthèse pour les Témoins de la seconde moitié du second siècle

La fin du second siècle est l'objet de luttes entre les gnosticismes et les Églises se réclamant du Christ. Ces conflits sont particulièrement importants à Rome, capitale relativement tolérante de l'empire et que toutes les sectes voulaient occuper. Par réaction, les chrétiens vont préciser leur foi et leurs sources (le canon), ils formalisent la tradition venue des apôtres et la succession de l'enseignement dans les communautés chrétiennes.

Il n'y a pas encore d'œuvres structurées sur les ministères dans l'Église, mais seulement des ouvrages de circonstances, le plus souvent pour éclaircir les divergences avec les "hérétiques". En Occident le christianisme prend le tournant de l'utilisation de la langue latine.

Le "martyre de Polycarpe", Hégésippe (175) et Irénée présentent l'épiscope dans ses fonctions d'enseignement, de discernement de l'orthodoxie, face aux hérésies. Des trois fonctions initiales (liturgiques, prophétiques, didascales), c'est la présidence de l'eucharistie qui prend progressivement de l'importance et assume le rôle des didascales (ou de théologiens) à l'occident et des prophètes à l'orient.

A la fin du second siècle, les ministères itinérants visitant les communautés locales semblent avoir disparu.


La page précédente porte sur

Les ministères au tournant du premier siècle

La page suivante porte sur

Les ministères vus par les témoins du troisième siècle


@ de cette page :
   http://jean-luc.dupaigne.name/fr/chr/ministeres_2_siecle.html
Date de création : 28 septembre 2003.
Dernière révision technique : 26 janvier 2005.
©Jean-Luc Dupaigne 2003.